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L’attribution préférentielle profite à l’indivision de nature familiale si les critères sont réunis

04/03/2024
Dans une indivision familiale résultant de donations et comprenant un frère et sa fille, usufruitier et nue propriétaire de droits indivis, et un autre frère plein propriétaire, aucun n’a droit à l’attribution préférentielle faute de qualité de copropriétaire ou d’héritier.

Un père fait donation de terres agricoles à ses quatre enfants. Le même jour, ses deux fils, exploitants agricoles, rachètent les parts de leurs sœurs, de sorte qu’ils sont propriétaires indivis par moitié de la parcelle.

En 1980, ils viennent à cesser leur exploitation en commun sans s’accorder sur une sortie de l’indivision et notamment sur l’attribution du terrain. L’un des frères poursuit la mise en valeur des terres, d’abord seul, puis par le biais d’une EARL dont sa fille est associée. En 2018, il gratifie celle-ci de la nue-propriété de ses droits indivis sur la parcelle litigieuse. Chacun des deux frères ainsi que la fille en réclament l’attribution préférentielle.

Ils sont tous déboutés car aucun ne satisfait aux conditions pour y prétendre, affirme la cour d’appel. Les juges du fond rappellent que l’attribution préférentielle dans les indivisions conventionnelles de nature familiale est possible, mais au seul bénéfice du conjoint survivant ou des héritiers copropriétaires.

Puis, ils relèvent que l’indivision est bien d’origine conventionnelle, et non successorale, puisqu’elle résulte d’une donation de leur auteur.

Toutefois, le frère exploitant, désormais simple usufruitier, ne satisfait plus la condition de copropriétaire des biens indivis.

Sa fille, certes nue-propriétaire, n’a pas la qualité d’héritière requise puisque son père dont elle sera héritière n’est pas décédé et qu’elle n’est pas non plus héritière de son oncle. Enfin, l’autre frère, s’il a bien la qualité de copropriétaire, n’a pas celle d’héritier car l’indivision résulte d’une donation simple et non d’une donation-partage conservant à l’indivision son caractère héréditaire. Les terres de la discorde ont dû trouver preneur par adjudication à la barre du tribunal.

À noter

L’attribution préférentielle ne joue que pour certaines indivisions : successorales (C. civ. art. 831 s.), postcommunautaires (C. civ. art. 1476), entre époux séparés de biens (C. civ. art. 1542), post-sociales (C. civ. art. 1844‑9). Elle peut également être demandée dans toutes les indivisions de nature familiale même d’origine conventionnelle (Cass. 1e civ. 7‑6‑1988 n° 86‑15.090, à propos du conjoint divorcé qui peut demander l’attribution préférentielle du local servant à son habitation, dont il est propriétaire indivis avec son ex-épouse, même si cette indivision entre eux a pris naissance par convention antérieure à leur mariage).

C’est tout l’intérêt de cet arrêt de nous le rappeler, comme de nous proposer d’en définir les bornes :

– une donation par un père à ses enfants d’un même bien fait naître une indivision conventionnelle de nature familiale exigible à l’attribution préférentielle ;
– le demandeur à l’attribution préférentielle doit satisfaire aux qualités requises : être héritier copropriétaire (ou conjoint survivant) ;
– la qualité de copropriétaire n’est pas remplie par l’usufruitier de droits indivis ; celle d’héritier ne l’est pas plus par le nu-propriétaire qui a reçu ses droits lors d’une seconde transmission entre vifs ni par le coïndivisaire qui a été gratifié d’une donation simple ;
– seule une donation-partage permettrait aux enfants de remplir la condition d’héritier copropriétaire : « puisque l’indivision née entre son frère et lui ne résulte pas d’une donation-partage conservant à l’indivision son caractère héréditaire mais d’une donation simple ».

Drôle d’argumentation. Certes la donation-partage est faite entre ses héritiers présomptifs, mais elle exige un partage incompatible avec l’attribution de quotes-parts divises comme en l’espèce (C. civ. art. 1075).

CA Reims 26‑1‑2024 n° 22/02100

© Lefebvre Dalloz

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